Si vous allez plonger dans le sud de l’Egypte, vous croiserez le long de l’interminable route littorale qui descend vers le Soudan, quantité de ruines à première vue très banales. Mais il suffit de s’en rapprocher, et d’aller les examiner de plus près, pour se rendre compte que tous ces tas de cailloux sont autant d’antiques constructions romaines. Les plongeurs habitués de la Mer Rouge ignorent trop souvent que le sud de notre terrain de jeux favori a été pendant longtemps une route commerciale importante pour le commerce vers la Péninsule arabique et vers l’Asie. Voilà de quoi occuper l’heure de la sieste, si vous allez tremper vos palmes du côté de Marsa Nakari…
A environ 100 mètres du camp de tentes et des quelques chambres de l’hôtel de Marsa Nakari, niché dans le creux de la baie (Marsa signifie « baie » ou « crique » en arabe), se trouve une petite éminence, juste en surplomb de la plage. Là, se trouve les restes d’une construction en pierres. Ces quelques murs ne sont pas particulièrement fascinant en soi, mais le promeneur averti et curieux, pourra repérer facilement des petits tessons de poterie qui jonchent le sol, mêlés à la terre et aux débris de pierres. Attention, ici il faut marcher sur des œufs ! De 2002 à 2004, une campagne de fouilles a eu lieu sur ce site, mais l’Egypte restant l’Egypte, la campagne s’est apparemment brusquement interrompue, sans doute faute de financements. En observant attentivement, on trouve encore des sacs de prélèvements contenant des restes organiques, du bois et du charbon. Attention de ne pas les abîmer, des étudiants ont sûrement sué sang et eaux pour les collecter. Et qui sait peut-être une nouvelle équipe viendra peut-être un jour finir le travail.
Un peu plus au sud, à une vingtaine de kilomètres de Marsa Nakari, juste à coté de la plage de Marsa Fokeri, (où se trouve l’un des plus beaux sites de plongée de la côte d’ailleurs) se trouve un grand carré de pierre, presque complètement arasé. Là encore, il s’agit de ruines romaines. En fait, sur une centaine de kilomètres le long de la côte, le désert est parsemé d’anciens sites antiques. Cette extraordinaire densité s’explique par l’existence d’une importante route commerciale, maritime et terrestre, dans le sud de la Mer Rouge. Bérénice, qui fût une plaque tournante pour le commerce et les échanges culturelles dans cette région du monde tôt dans l’Antiquité, se trouve un peu au nord Ouest de Marsa Nakari. Nulle plaque explicative ne figure malheureusement dans le Marsa où à l’hôtel. Ce qui est très dommage, la grande majorité des touristes séjournant ici ignorent donc totalement qu’ils dorment à quelques mètres des restes d’un port antique d’une importance majeure. Car les chercheurs pensent que les quelques murs carrés que l’on escalade négligeamment en admirant la plage de Marsa Nakari sont en fait les derniers vestiges de Nechesia, le port le plus important du Sud de la Mer Rouge. L’étude des ruines a permis d’attester d’une activité intense entre le 1er et le 4ème siècle de notre ère, peut-être même antérieure. Au sud de Suez, les Egyptiens antiques avaient installés une quantité de ports, et de relais, sorte de caravansérails, lieu de vie et de commerce. Ces cités, comme Nechesia, étaient particulièrement actives au début de l’époque romaine. Puis, les années et les siècles passant, les vents et les sables du désert eurent raison de ces villes étapes prospèrent. Il faut aujourd’hui beaucoup d’imagination pour visualiser dans ces quelques pierres fatiguées les vestiges d’une route de commerce maritime qui rivalisait à son époque avec la célébrissime Route la Soie. Pour preuve de l’étendu des échanges, l’ont a retrouvé pas moins de 11 langues différentes sur les inscriptions retrouvées à Bérénice. Le Latin, le Grec, l’Hébreux, le Copte et même le Sanskrit se retrouvent fréquemment. Certains restes de marchandises (comme des saphirs par exemple) attestent même d’échanges avec la Thaïlande et Java.
Vous imaginiez vous détendre entre les plongées, les doigts de pied en éventail sur la plage, et vous voilà en plein dans une histoire plusieurs fois millénaire !
Si vous prenez le temps d’étendre un peu vos balades hors des sentiers battus (prenez garde tout de même aux scorpions et à la vipère du désert : les aventuriers se retrouvent plus souvent qu’on ne croit à l’hôpital), vous aurez peut-être la chance de découvrir un petit tas de ruines oublié et pas encore fouillé. Aaah, se prendre quelques minutes pour Indiana Jones, ça n’a pas de prix ! Mais attention : pas touche ! La loi Egyptienne est très sévère pour les voleurs d’antiquité amateur. Et puis, vous ne voudriez pas priver la postérité d’une découverte importante. Donc si vous tombez à tout hasard sur une petite lampe à huile des plus jolies, une photo et hop, rendez-là au désert !